Pourquoi avoir fondé Maturin?

Par: Jonathan Bélanger

Fraîchement sorti de l’université, j’ai débuté en 2005 la vente en ligne de produits du terroir. Je travaillais alors pour une chaîne de boulangerie-pâtisserie et une partie de mon travail consistait à identifier des produits locaux complémentaires à ceux de notre propre production. Je me suis rapidement aperçu du grand nombre de produits alimentaires locaux et bien évidemment de leurs qualités. Pourquoi ne les avais-je jamais consommés avant? Pourquoi ne sont-ils pas disponibles ailleurs qu’à la ferme?  Pourtant les prix sont très raisonnables et la qualité indéniable. J’avais de plus conscience que j’encourageais des familles d’ici, des gens comme moi et mes amis, des personnes avec qui je pouvais apprendre une tonne de choses et discuter d’une passion commune: le plaisir de bien manger! Avec regrets, j’ai réalisé qu’il m’était impossible de vendre chez mon employeur l’ensemble de mes trouvailles. Tout d’abord parce que je devais garder un lien direct de complémentarité avec les produits de la boulangerie-pâtisserie mais aussi par manque d’espace! Enfin, dans le commerce de détail traditionnel, chaque espace-tablette doit créer des bénéfices selon les attentes des propriétaires. 

Dans ce contexte et suivant maintes réflexions et discussions, j’ai débuté à temps partiel la vente en ligne de produits alimentaires de niches et locaux. À l’été 2006, mon entreprise prospérait et j’ai fait le saut pour en faire ma source de revenu principale. La vente allait bon train et je voulais développer dans ce sens, c’est pourquoi je me suis allié avec de nouveaux partenaires. Notre projet était désormais d’intégrer de façon verticale la production, la transformation, la vente et la distribution d’aliments du Québec. Après quoi nous avons débuté l’élevage de canards et la transformation alimentaire de canards, d’agneaux et de poulets. Nous avons d'abord introduit nos produits dans une vingtaine de marchands (boucheries, épiceries, boulangeries, etc.), puis près d’une vingtaine de produits ont été listés chez IGA, Métro et Provigo. Ayant toujours vendu en ligne ou sans intermédiaires, nous n’avions pas l’habitude de faire des prix de gros pour laisser les marges requises à nos revendeurs. Mais nous l’avons fait, et ça nous a fait mal, même très mal.

Je me suis recentré sur la vente en ligne et depuis les 10 dernières années, j’aide les entreprises à établir leur stratégie numérique, à implanter des solutions de commerce électronique et à générer du trafic sur leur site web.  

L’an dernier, ma conjointe et moi avons décidé de changer notre façon de vivre en revoyant nos valeurs et en remettant en question toutes nos façons de faire actuelles. Avons-nous besoin d’une grande maison? Passons-nous suffisamment de temps avec nos enfants? Consommons-nous de façon responsable? Encourageons-nous autant que possible l’économie locale? Sommes-nous engagés dans un projet qui nous fait vraiment vibrer? Ce sont là que des exemples de questions que nous nous sommes posées. Vers la recherche d’un mode de vie plus simple, nous avons par ailleurs évalué plusieurs projets agricoles et de transformation alimentaire. Bien que de très beaux projets bioalimentaires soient disponibles, l’achat de l’entreprise agricole que nous avions ciblée (de même pour une terre agricole présentement dénudée de toutes opérations) est dispendieux, même très dispendieux, ce qui limite considérablement l’entrée de nouveaux acteurs dans le marché. Dans les projets analysés, toute dette majeure sur la terre rendait les entreprises non profitables. Ce qui veut dire selon moi que pour réussir il faut soit avoir accès à d’importants capitaux propres ou d’hériter d’une terre agricole familiale.

Étant donné ma spécialisation en commerce électronique et de celle en design web de ma conjointe, nous avons tout de suite pensé à vendre nos futurs produits alimentaires en ligne. Mais notre projet n’était toujours pas rentable sur papier. Puis, on s’est dit qu’on pourrait vendre aussi les produits des fermes voisines afin de bonifier notre offre de produits pour les consommateurs. Pourquoi les consommateurs viendraient-ils sur notre site simplement pour 3 ou 4 produits? Ça leur demanderait alors de faire leurs achats alimentaires sur une panoplie de sites web. De plus, nous avons pensé qu’en s’alliant avec d’autres producteurs nous pourrions générer plus de trafic grâce à la synergie des producteurs et la complémentarité des produits. Et plus nous avancions, plus nous nous apercevions qu’en fait c’était l’ensemble des producteurs-transformateurs bioalimentaires qui avait les mêmes besoins que nous. Nous avons remarqué que la plupart des producteurs cherchaient non seulement à vendre en ligne mais aussi la logistique pour le traitement des commandes. Pour les acheteurs, il fallait trouver une solution offrant tous les produits alimentaires, directement des producteurs, sans avoir à magasiner sur de multiples sites. Nous avons tenté de faire l'exercice en ligne avec les offres disponibles. Et selon nous, il est était très laborieux, voir impossible, de faire son épicerie en ligne tout en achetant directement des producteurs d'ici.

Suite à ces constats, nous avons décidé de fonder Maturin - Marché numérique de l'alimentation, avec un partenaire et ami de longue date, spécialisé en programmation, et nous avons décidé de mettre de côté notre projet de ferme. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout du projet Maturin et à encourager tous les producteurs locaux à joindre leurs forces et faire front commun. 

En passant, je n’ai rien contre la grande distribution! Mais pour les producteurs-transformateurs, la vente directe sans intermédiaire procure des marges plus importantes en plus de prix généralement plus bas pour les acheteurs, consommateurs ou entreprises.

Dans mon prochain article je vous parlerai des piliers fondamentaux de Maturin et pourquoi nous pensons qu’il s’agit probablement de la solution la plus adaptée pour vendre et acheter les aliments d’ici sans intermédiaires. 

Jonathan Bélanger, PDG de Maturin